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©Photo: TCS Fribourg

06 avril 2023

"Fribourg ennuie les automobilistes, sans parvenir pour autant à désengorger la ville"

Que pense la population fribourgeoise d’un élargissement massif des zones 30km/h en ville de Fribourg?

Le TCS Fribourg a mandaté l’institut GFS pour prendre le pouls de la population fribourgeoise. Le président de la section, Éric Collomb, commente les résultats. En 2001, le peuple et les cantons suisses se sont exprimés contre la généralisation des zones 30 km/h en localité (79,7% de la population contre, 87% des Fribourgeois contre). Un sondage mené fin 2021 en Suisse par l’institut LINK montrait que cet avis n’avait pas changé et que 84% de la population restaient attachés au régime de vitesse différencié actuellement en vigueur dans les localités.

Quels sont les résultats principaux du sondage?
Ils donnent un message clair: 61% des Fribourgeoises et des Fribourgeois s’opposent à davantage de tronçons limités à 30 km/h en ville de Fribourg. Qu’ils résident en grande agglomération (51%), petite ou moyenne agglomération (59%), ou à la campagne (64%), les habitants du canton refusent majoritairement ce projet de la capitale. La solution alternative d’introduire cette limitation uniquement la nuit ne trouve pas non plus de majorité puisqu’environ 58% de la population rejettent cette idée, contre 37% qui la soutiennent. Nous avons été surpris de constater que même les citadins s’opposent à la généralisation du 30 km/h en ville.

En revanche, nous n’avons pas été étonnés de constater qu’une écrasante majorité de 90 % ne souhaite pas que les routes principales des traversés de localités passent en zone 30 km/h, alors que 72% des personnes interrogées sont d’accord avec une réduction de la vitesse à 30 km/h dans les quartiers résidentiels.

Quelles sont les raisons qui expliquent ces résultats?
Nous avons soumis aux sondés un certain nombre d’arguments en faveur et en défaveur de la généralisation des zones 30 km/h. Il apparaît que 78% des personnes interrogées sont en en faveur du maintien de la limitation de vitesse à 50 km/h sur les routes principales pour garantir la fluidité du trafic et limiter le report de la circulation dans les quartiers. 67% estiment que l’on mise trop sur la réduction de la vitesse plutôt que sur d’autres mesures de sécurité. La différenciation de la vitesse en ville est également soutenue fortement, puisque 65% des sondés affirment que les limitations à 30 km/h sur les axes principaux provoquent davantage d’embouteillages. D’autres arguments contre l’augmentation des tronçons à 30 km/h sont également avancés: les craintes que le projet entraîne des retards dans les transports publics et qu’il nuise à l’artisanat et aux commerces de la ville de Fribourg sont également partagées par une majorité des sondés.

Les habitants du canton de Fribourg soutiennent donc un régime différencié de la vitesse en agglomération, conscients que cela permet de maintenir la fonctionnalité du réseau dans son ensemble.

Le TCS suisse a également publié un sondage à la fin de l’année dernière. L’engagement contre la généralisation des zones 30 km/h est-il un axe stratégique du TCS?
Non, ce n’est pas un axe stratégique. Mais nous traitons les zones 30 km/h avec le sérieux qui convient, car nous estimons que la volonté de les généraliser est une attaque contre les automobilistes, avec l’objectif de les dégoûter de rouler. Nous avons lancé ce sondage dans le canton pour nous assurer que le discours de notre club était en adéquation avec les souhaits de la population.

La Ville et la Direction cantonale de la mobilité s’appuient sur la nécessité légale de lutter contre le bruit. Vous mettez en avant la fluidité du trafic, la vitesse commerciale des transports publics, l’intérêt des artisans et du commerce… Les deux visions sont-elles conciliables?
La Ville et le canton privilégient trop fortement la réduction à 30 km/h alors qu’ils pourraient miser sur les revêtements phonoabsorbants. Ils font également preuve d’un grand dogmatisme. Nous avons essayé de mettre en évidence que le bruit était surtout embêtant pour les habitants en soirée. Nous avons voulu entrer en matière pour une mesure intermédiaire avec la mise en zone 30 km/h seulement la nuit. Mais la ville ne s’est pas intéressée à cette proposition. Elle a choisi une solution de facilité qui s’inscrit dans une politique globale anti-voiture. Et c’est aussi en raison de cette politique que nous avons décidé de réagir.

La vision de la Ville pourrait pourtant être séduisante pour les citoyens qui y vivent?
Nous comprenons parfaitement que la ville veuille permettre à ses citoyens de ne pas être envahis par les voitures. Mais le centre cantonal n’appartient pas qu’aux habitants de Fribourg. Beaucoup de citoyens du canton doivent y accéder et ils doivent aussi bénéficier de conditions-cadres acceptables. Avant de bloquer l’accès en voiture au centre-ville, il faut d’abord développer les alternatives, par exemple les parkings d’échange. Aujourd’hui, la ville supprime des places de parc, augmente les heures payantes pour les parkings, ferment des routes, mais ne propose pas les alternatives nécessaires.

N’avez-vous pas l’impression que nous tournons un peu en rond dans ce débat sur le désengorgement du centre-ville avec également une opposition bloquante entre la gauche et la droite, comme le montre bien votre sondage?
D’abord, je suis absolument convaincu que nous devons développer des villes vertes, avec des zones de rencontre, des espaces sans voiture. C’est dans cette direction que nous devons tendre et notre section s’y engage avec par exemple ses projets "Park2City" et "Park & Bike".

Nous sommes en revanche convaincus que la ville n’a pas la bonne stratégie avec ses petites attaques par briques et morceaux contre les automobilistes. Dégoûter les gens de venir en ville en voiture n’est pas la solution. Il faut trouver des moyens de filtrer le trafic et de favoriser l’accès en voiture pour les gens qui en ont vraiment besoin.

Aujourd’hui, on a trop de voitures "inutiles" en ville. Aller en voiture de Granges-Paccot à Pérolles pour le travail ne fait strictement aucun sens, par exemple. Deux personnes du même village qui se rendent au même travail dans deux véhicules différents, ça n’a pas de sens non plus.
Pour moi, la solution passe par des plans de mobilité obligatoires pour les entreprises. Je crois malheureusement qu’on n’arrivera pas à désengorger le centre-ville sans contrainte. Et ça me fait mal de devoir le constater alors que je suis libéral. Mais c’est le seul moyen pour favoriser le recours aux transports publics ou le covoiturage pour les gens qui viennent en ville pour le travail. Je suis convaincu que c’est sur ce trafic qu’il faut agir. Les engorgements se produisent en effet aux heures d’arrivée au travail et de départ parce que trop de personnes utiliser leur voiture et circulent à une personne par véhicule. À preuve, en juillet-août, on roule en ville sans souci. Les administrations publiques doivent aussi mettre sur pied leurs plans de mobilité, car elle génère une partie de ce trafic.

Vous avez des mots forts dans votre communiqué et vous vous dites prêts à mettre tout en œuvre pour vous opposer à "la politique discriminatoire de la Ville de Fribourg"? Concrètement qu’allez-vous faire?
Mes collègues députés Chardonnens et Genoud ont déposé une motion pour que le Grand Conseil avalise l’idée que les routes principales des traversées de localité et les axes structurants ne passent pas en zone 30 km/h. Si cette motion aboutit, nous n’irons pas plus loin. Mais si elle ne passe pas, nous lancerons une initiative pour donner la possibilité aux citoyens du canton de se prononcer dans les urnes.

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